En tant que personnes ayant un rapport difficile au travail, nous utilisons habituellement le travail et l'activité comme solutions de fuite, et pour échapper à nos émotions. Travailler de façon excessive est le moyen que nous utilisons pour obtenir l'approbation des autres, pour prouver notre identité, pour justifier notre existence. Le jeu, en comparaison du travail, paré de toute l'importance que nous lui donnons, peut nous sembler trivial, superficiel. Jouer nous fait éprouver une telle culpabilité que nous transformons tout divertissement en travail ; ainsi nous pouvons nous sentir utiles.
Peut-être avons-nous été éduqués dans l'idée que le travail est forcément pénible et sérieux (le train-train quotidien, la foire d'empoigne), et le jeu, chose frivole. Nous pouvons jouer pour nous reposer d'avoir bien travaillé.
En tous cas, nous ne prenons pas le jeu au sérieux. Nous travaillons pour de l'argent; le jeu est, lui, associé au divertissement. Le travail, c'est du sérieux. Et même, plus il est pénible, plus nous nous prouvons à nous-mêmes que nous méritons bien notre salaire. L'idée que nous pourrions être payés pour jouer nous semblerait parfaitement ridicule.
Que nous soyons salariés ou travailleurs indépendants, nous pensons qu'un travail n'a de valeur qu'en fonction de la somme de souffrances qu'il nous a demandée, et en aucun cas en fonction du plaisir qu'il nous a procuré. Or les acheteurs veulent un produit ou un service qui corresponde à leur besoin, à leur désir. Ils ne se soucient pas de notre combat intérieur. Par exemple, si un livre ou un film sont créés dans la joie, cela se ressent forcément, cela les rend attrayants.
Certains d'entre nous ont réalisé que perdre la plus grande partie de notre vie à gagner de l'argent pour avoir accès à quelques heures de divertissement était absurde. Nous en sommes venus à comprendre que notre attitude envers le travail pourrait devenir la même que notre attitude envers le jeu. Quel que soit notre travail, nous pouvons l'aborder d'une façon ludique, créative, expérimentale, plutôt que de nous focaliser sur le résultat.
Certains de nous ont trouvé leur voie, et travaillent dans un domaine qui leur convient et où ils peuvent exprimer leur talent. Mais tous n'ont pas cette chance. Mais même si nous aimons notre travail, nous le vivons de façon destructrice. En tous cas, nous sommes venus en W. A. parce que, que nous l'ayons réalisé ou pas, nous travaillions pour prouver que nous existions, et non parce que nous aimions notre travail. Nous travaillions pour échapper à la réalité, pour être admirés, pour être aimés, pour être reconnus, pour nous sentir fiers de la quantité de travail dont nous étions capables. Ou bien nous travaillions pour échouer, pour nous prouver encore que nous ne valions rien, et cela nous confortait dans notre comportement autodestructeur.
Ou encore nous travaillions par intérêt : pour avoir une maison de campagne, des contrats, un salaire de plus en plus conséquent. Peut-être avions-nous choisi ce travail parce que nous l'aimions, mais au fil du temps, les bénéfices secondaires, matériels ou non, sont devenus plus importants que le travail en lui-même.
Quelle qu'ait été notre situation, notre attitude par rapport au travail et par rapport au jeu était destructrice. Le travail était fait par nous, et non pas pour nous. Nous faisions bien notre travail, mais ce faisant nous nous faisions mal. Nous nous imposions des délais impossibles à tenir, et nous nous efforcions à tout prix de les respecter, si possible avant la date. Nous suivions un planning délirant et nous nous demandions pourquoi nous étions rebutés par ce qui auparavant nous plaisait. Nous nous sommes aussi peut-être trouvés incapables de faire notre travail, paralysés que nous étions par notre perfectionnisme, et nous nous sommes réfugiés dans des comportements maladifs, des comportements de dépendants.
En W. A., nous savons que notre puissance supérieure est notre employeur. En vivant les étapes, nous lui confions notre vie. Nous demandons à être guidés sur ce que nous devons faire, et quand, et comment. Nous réalisons que nous avons des limites physiques et psychiques ; que nous nous devons de nous octroyer du repos, une alimentation équilibrée, de l'exercice physique.
Nous apprenons que toute activité, ludique ou pas, peut devenir nocive si nous dépassons nos limites. Nous comprenons que travailler jusqu'à l'épuisement est une forme de gâchis.
Pouvoir retrouver la notion de plaisir devient une priorité. Bien souvent nous utilisons notre seule volonté pour pouvoir continuer à travailler : mais sans le plaisir. Au lieu d'obséder sur notre rendement, si nous nous demandions « Est-ce que je ne suis pas trop fatigué pour commencer cette tâche ? Vais-je apprécier de le faire ? », nous constaterions que la réponse serait souvent non.
Si nous faisons nôtre l'idée que nous méritons de nous délecter de ce que nous faisons, nous n'aurons plus à nous poser cette question. Plus n'est besoin d'attendre que nous tombions de sommeil, ni que notre nuque nous fasse souffrir. Nous aurons appris à ranger à temps nos outils, à arrêter l'ordinateur, à refermer le livre, à raccrocher le téléphone.
Ces changements peuvent prendre du temps : cesser d'être obsédé par le temps et la quantité, par l'idée de ce que cela va nous rapporter, apprendre à vivre l'instant présent et à être au plus près de nos émotions, de notre ressenti.
Notre travail devrait nous aider à nous construire un moi équilibré, à jouir de la vie ici et maintenant, au lieu de vivre dans l'attente de récompenses à venir. Quand nous commençons à pouvoir vivre nos émotions, à écouter notre ressenti, à nous respecter, il nous est plus aisé de savoir quel est notre désir profond.
Cette nouvelle lucidité nous permet de redécouvrir notre environnement. Nous réalisons alors que nous sommes entourés de personnes qui travaillent tout comme nous, mais raisonnablement, que nous n'avons pas à travailler au-delà de nos capacités, ni à essayer de devenir indispensables, pour conserver notre travail. Nous voyons que nous sommes désormais traités différemment et nous établissons des limites. Personne n'a le droit de nous maltraiter et nous ne maltraitons pas les autres.
Nous pourrions même servir d'exemples aux autres. En changeant nos objectifs, nous serons probablement surpris de constater à quel point peuvent se développer la créativité et la qualité de la coopération.
Ou bien, nous constaterons que la meilleure chose à faire est de changer de travail. Notre travail n'est pas épanouissant, il est aliénant, sans finalité ? Nous voyons alors que nos valeurs ne sont plus les mêmes qu'avant. Nous ne voulons plus nous sentir aussi vulnérables, être exploités, méprisés.
Si nous travaillons pour une cause à laquelle nous adhérons très fortement, mais dans des conditions qui nuisent à notre rétablissement, il est prioritaire désormais que nous nous sentions en harmonie dans notre milieu professionnel.
Nos objectifs ne sont plus désormais uniquement des objectifs de résultats. Nous voulons prioritairement nous trouver en accord avec des principes favorables à notre épanouissement, en toute situation. Nous avons découvert un nouveau modèle de « réussite ».
Notre nouvelle façon de penser nous rapprochera de personnes qui sont dans le même état d'esprit que nous. Nous trouvons une place qui nous convient, ou nous la créons.
Transformer le travail en un jeu a des effets sur tous les autres domaines de notre vie. Nous obtenons de nouvelles satisfactions par notre travail, donc nous ne sommes plus menés uniquement par l'idée de réussite. Notre santé s'améliore, dès que nous commençons à nous autoriser à bien nous occuper de nous-mêmes.
Le contentement devient comme une seconde nature. Nous devenons plus efficaces, et nous avons plus de facilité à agir. Nous n'avons plus besoin d'obtenir ou d'en faire plus, parce que nous savons quand nous arrêter. Le sentiment de vide intérieur et la quête éperdue de reconnaissance disparaissent. Travailler ne signifie plus prouver que nous existons.
Nos relations changent. Nous attirons davantage de personnes qui connaissent leurs limites, des personnes qui ont du respect pour elles-mêmes, qui sont indépendantes, qui ne sont pas dans le contrôle. Nous ne ressentons plus le besoin de nous rendre utiles à tout prix. Quand nous donnons, le don a d'autant plus de valeur qu'il est gratuit, dénué d'attente, et donc non générateur de ressentiment.
Quand nous cessons de nous martyriser afin de mener à bien un projet dans des délais intenables, quand nous savons déterminer quand nous sommes prêts et disponibles, au moment où le projet arrive à maturité, les choses se mettent en place d'elles-mêmes. Le travail devient lui-même une sorte de récompense, comme s'il s'agissait d'un jeu.
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